Appel à communication pour le colloque « Les ghettos en Europe Centrale et Orientale : Nouvelles perspectives spatiales et sociales », qui se tiendra les 1er et 2 octobre 2026 au Mémorial de la Shoah à Paris.
« Lorsqu’on évoque la Shoah », écrivait Dieter Pohl, « le mot “ghetto” apparaît parmi les termes clés » [Pohl dans Zarusky, 2010]. Pourtant, les ghettos ont reçu beaucoup moins d’attention de la part des chercheurs que les centres de mise à mort et les systèmes concentrationnaires. Malgré des avancées historiographiques certaines, ce constat est toujours d’actualité. Le premier obstacle à une analyse approfondie du ghetto semble résider dans sa définition même. Qu’est-ce qu’un ghetto ? Qu’est-ce qui le distingue d’autres structures spatiales d’enfermement ? Grâce aux communications qui seront proposées, ce colloque espère pouvoir historiciser et clarifier ce que recouvre l’appellation « ghetto » ou du moins dessiner une typologie de ces espaces.
Depuis une dizaine d’années, l’historiographie concernant les ghettos a été renouvelée par de nouveaux outils et méthodes de recherche [Knowles, Cole, Giordano, 2014]. L’analyse des documents contemporains (sources administratives, journaux intimes, correspondances) révèlent que ces espaces étaient poreux et que les interactions avec l’extérieur étaient constantes, qu’elles aient été encadrées (travaux forcés, permis de travail) ou clandestines (troc, évasions). Les recherches actuelles permettent d’approcher sans pouvoir la toucher la réalité des ghettos : identités des détenus des ghettos, quotidien au sein du ghetto [Hájková, 2020 ; Löw, 2024], types de travaux forcés (entreprises allemandes, Organisation Todt, fermes, ateliers de l’armée), mutations des espaces, déplacements de population. Les ghettos se trouvent au cœur d’une guerre d’anéantissement et de colonisation nazie à l’Est, pris en étau entre l’exploitation économique de la main d’œuvre juive et la politique génocidaire. Le colloque se propose de revenir sur des aspects fondamentaux de l’histoire des ghettos, à l’aune des récents travaux historiographiques.
Les deux journées s’organiseront en quatre sessions thématiques avec la question de l’espace et de la spatialité en partage. Le premier axe concernera la place des ghettos dans la géographie de la Shoah. Nous interrogerons la fonctionnalité des ghettos en lien avec les autres modes opératoires d’asservissement et d’extermination des populations, ainsi que la nature des espaces utilisés lors de la création des ghettos. Le deuxième portera sur les questions relatives à l’inscription des ghettos dans la géographie physique de la ville, de la campagne, ou, plus largement, de la région (utilisation de structures existantes, détournement d’espaces et de frontières naturelles, rivières, lacs, etc.) Si les deux premiers axes portent sur la relation des ghettos à l’espace extérieur, les deux suivants interrogeront la spatialité interne et la structure sociale. Le troisième axe questionnera la création ou recréation d’espaces de sociabilité en fonction de l’âge, du sexe, ou de critères politiques, économiques, etc. Le quatrième interrogera le rapport de l’espace intime (le corps) à celui du ghetto.
Ce colloque est organisé en partenariat avec l’United States Holocaust Memorial Museum, Yad Vashem, Yahad – In Unum Ghetto Fighters’House, Mémorial de la Shoah, HisTeMé, ERLIS.